Un sujet de mémoire proposé par la SEHRI : L’affaire des « naufragés de Calais »

Abstract.

Si l’affaire des naufragés de Calais (1795) est sans doute l’un des événements les moins connus de l’histoire de l’émigration – et plus précisément de l’émigration « en armes » – elle est, paradoxalement, la mieux documentée. Aussi demeure-t-elle un sujet particulièrement riche à explorer. En effet, le comte de Choiseul-Stainville – colonel-propriétaire d’un régiment de hussards émigré au service britannique – a laissé un récit détaillé des circonstances de ce naufrage puis du procès qui s’ensuivit jusqu’en 1799.

Au lendemain de l’expédition ratée dans la presqu’île de Quiberon, les unités d’émigrés prévues pour la seconde vague du débarquement furent redéployées vers d’autres théâtres d’opérations. Contrairement à ce qui est souvent écrit, les hussards de Choiseul étaient destinés non pas aux Antilles, mais bien aux Indes. Ils devaient y intégrer le contingent britannique envoyé mater la révolte de Tipo Sahib. Le comte de Choiseul avait été chargé d’acheminer les renforts – à savoir son régiment et les chasseurs de Löwenstein -, embarqués sur 32 navires.

Au cours d’une tempête survenue au large des côtes françaises, dans la nuit du 13 au 14 novembre 1795, trois navires – dont celui accueillant le comte – furent drossés à la côte. Le procès des naufragés survivants devait durer près de cinq ans. Plusieurs commissions militaires ou tribunaux civils régionaux refusèrent en effet d’endosser la responsabilité d’une condamnation à mort exigée par le Directoire, ce dernier considérant les prisonniers tels des émigrés pris les armes à la main.

A Paris, le ministère de la Justice finit par découvrir que la malle contenant toutes les archives du colonel des hussards de Choiseul avait été sauvée des eaux. Aussi exigea-t-il qu’elle lui fût promptement expédiée. Pour des raisons politiques tout d’abord puis administratives par la suite, ce fonds documentaire ne fut jamais reversé ni aux Archives de la Guerre, ni au Service Historique de la Défense. Au contraire, il fut transféré aux Archives nationales – où il se trouve toujours – au sein des archives du Directoire exécutif. Un premier état en fut dressé entre 1910 et 1917. Près de 80 ans plus tard, les Archives Nationales ont publié un inventaire exhaustif des 63 articles compris entre les cotes AF III 1 et AF III 51 J. Au total, ce fonds regroupe 4 groupes documentaires, dont le dernier s’intitule « Police et émigration, papiers des régiments émigrés des hussards de Choiseul et des chasseurs de Löwenstein ». Autrement dit, le spectre couvert ne se limite guère à la seule « affaire de Calais ».

Ainsi que l’écrit l’auteur du répertoire numérique dudit fonds,

ces dossiers sont peut-être les seuls, dans les archives françaises, qui puissent fournir des documents directement issus du commandement britannique de l’armée du duc d’York. A notre connaissance, ce sont aussi les seules archives régimentaires conservées aux Archives Nationales. Ces deux ensembles, surtout celui des hussards de Choiseul, permettraient de belles études sur tous les aspects de la formation d’un régiment émigré.

La SEHRI souscrit d’autant plus à cette remarque que les études portant sur l’émigration militaire sont rares, sinon tout à fait exceptionnelles. Pareil fonds documentaire peut être complété par l’œuvre du vicomte Grouvel portant sur Les corps de troupe de l’émigration. Assurément, l’accès aux souvenirs de l’émigration, aux dossiers individuels conservés au Service Historique de la Défense et aux nombreux fonds généalogiques permettraient de retracer nombre de parcours individuels de cavaliers, cadets gentilshommes et officiers des hussards de Choiseul.

Une proposition de parrainage.

Forte de son expertise, l’association propose de parrainer un(e) étudiant(e) en master ou en doctorat souhaitant réaliser un mémoire ou une thèse sur le sujet, en le faisant bénéficier du soutien d’un de ses membres, spécialiste de l’histoire de l’émigration militaire, mais également de ses ressources et de son réseau. Au demeurant, les sujets proprement militaires suscitent un  intérêt renouvelé, comme l’a récemment démontré la thèse de Gérard-Antoine Massoni, intitulée Un régiment de cavalerie légère de 1783 à 1815 : le 5ème régiment de hussards, une histoire sociale et militaire.

Le référent au sein de la SEHRI sera le colonel (ER) Hughes de Bazouges, membre de La Sabretache, et lui-même auteur – en 1995 – d’une maîtrise consacrée à La légion de Damas au service des Provinces Unies (1793-1795). Hugues de Bazouges s’est depuis spécialisé dans l’étude des troupes émigrées. En 2008, le musée Condé (château de Chantilly) l’a ainsi invité à expertiser sa collection de drapeaux de l’armée de Condé.

Hussard de Choiseul Patrice Courcelle